Dans de beaux draps

Dans de beaux draps

C’est insaisissable. Ça glisse sous les doigts. Lentement ou très vite. On ne peut jamais savoir. Comme une caresse qu’on ne retiendra jamais. Il s’en dégage un son très subtil, que seules des oreilles attentives et affutées peuvent goûter.

Et moi j’en ai besoin. Sinon c’est un peu banal, voire trivial. Bien sûr souvent je dois m’en passer, et vivre cette expérience ordinaire de Monsieur et Madame Tout le monde. Et pourtant je n’en suis pas. Pas par snobisme. Pas même par choix. Juste par le hasard inné de ma génétique.

Ce soir-là, la chose avait l’air plutôt commune. Pas juste alimentaire, mais plus vouée à de simples besoins d’exultation du corps qu’à prendre le chemin des sommets du plaisir. L’homme était fidèle à sa photo de profil, tout comme sa conversation. Pas de surprise. Ni bonne ni mauvaise. Un rendez-vous agréable, mais pas en mesure de bouleverser mon existence, ni même d’y saupoudrer quelques étincelles.

Il avait néanmoins les yeux brillants, car il savait que la conclusion de la soirée serait fidèle à ses envies. Je m’amusais à sentir son impatience d’en finir avec nos verres. Nous irions chez lui. Comme je le décide toujours. J’aime découvrir leurs univers, ces chez-soi qui en disent long sur chacun d’eux. Le choix de mon propre lit serait une promesse de me rouler dans mes caprices. Mais je n’aime pas la facilité, et je suis très sensible à l’inattendu.

L’appartement était à son image, sans surprise d’aucun ordre. Il m’avait fait grâce du traditionnel dernier verre et m’avait guidée dans sa chambre dès notre arrivée. Mobilier de bon goût, mais sans grâce. Etreinte mêlée de désir et d’un peu de gêne de sa part d’en être si vite là. Je le gratifie d’un sourire sincère pour lui signifier que cela me convient.

Il retire le plaid qui recouvre le lit. Sans doute de la laine polaire. Et me retrouve immédiatement aiguillonnée par ce que je discerne en dessous. Malgré la pénombre qui baigne la pièce, je sais tout de suite que c’en est. Je dois me retenir de ne pas dans l’instant y frotter mon corps déjà nu. Alors je reste debout encore un peu, dévorée par l’impatience du moment où nous basculerons tous les deux sur le lit.

Je frissonne à l’idée du glissement du satin de soie dans mon dos, entre mes cuisses, sur mes seins. Je distingue dans mon oreille le subtil chant de l’étoffe quand nos deux corps s’y frotteront. De plutôt commune, la soirée prend du piquant grâce à cette promesse de douceur absolue. Et d’orgasmes rares pour moi. L’homme sent mon enthousiasme augmenter et il l’attribue sans doute à ses caresses et ses baisers qui redoublent de sensualité.

Je ne peux retenir un gémissement quand mes fesses nues viennent à ce contact soyeux.  Chaque mouvement s’y pare de caresses lisses qui affolent mes sens. Mon petit camarade de jeu se trouve encouragé par mes murmures de femme comblée, sans se douter que ce sont les draps de son lit qui me réjouissent tant. Mes seins durcissent quand je m’allonge sur le ventre et que tout l’avant de mon corps se vautre dans cette débauche de douceur.

Chacun des mouvement de ses hanches vient enfoncer les miennes dans ce paradis de l’épiderme. Chaque changement de position amène son lot de bonheurs tactiles à toutes les parties de mon corps qui en frissonnent d’aise. Chacun de nos gestes exacerbe ma passion pour la soie, et ce qu’elle fait courir le long de mon échine.

Dans mon oreille, le satin crie de bonheur dans les plis et replis de ses froissements. Je sens avec émotion que le tissu fluide accueille ceux de nos corps qui s’aiment. Mes jouissances se succèdent, sans cesse augmentées par l’effet conjoint du sexe de l’homme et du pouvoir de ses draps.

Quand son orgasme le voit se poser derrière moi pour m’enlacer dans son sommeil, je passerai encore de longues minutes à frotter doucement mon entrecuisses de quelques centimètres satinés. C’est insaisissable cette sensation. Ça glisse sous les doigts. Lentement ou très vite. On ne peut jamais savoir. Comme une caresse qu’on ne retiendra jamais…