Randonnée

(2 avis client)

Durée: 11 min 21 sec
© Dans tous les sens

Randonnée

 


Nous marchons depuis trois bonnes heures. Le groupe a rapidement et tacitement adopté une forme de silence propice à la réflexion de chacun durant l’effort. De plus, les Alpes offrent une telle déclinaison de panoramas à couper le souffle qu’il est impossible d’en saisir pleinement la beauté en étant dans le dialogue. La verdure estivale brille de ses mille tons sur le fond d’un ciel foncé et dénué de quelque tâche blanche. Les sommets tranchent de leur gris moucheté çà et là de plaques de neige persistantes.

Notre petite équipe est constituée d’inconnus, réunis simplement par cette même envie de s’en foutre plein les yeux et plein les jambes. Peut-être que des liens préalables en unissent certains membres, mais il est alors impossible de le percevoir. Notre guide, pourtant le plus âgé de nous tous, a l’allure alerte, le pas assuré quel que soit le terrain. Nous sommes partis pour deux jours intensifs, pleins d’une fougue que la magnificence des lieux décuple encore.

Nous avons quitté la température étouffante de la plaine pour nous réfugier dans la fraîcheur bienvenue de la montagne. Le soleil est bien présent, mais un perpétuel air frais nous protège de son influence parfois impropre à l’effort. Nos corps s’échauffent sous la contrainte de la pente, mais toujours des courants cléments leur apportent un peu de confort.

Après ces quelques heures de grimpette, un ordre implicite s’est établi dans notre colonne, chacun y trouvant sa place et son rythme. Devant moi, marche un très grand homme à la peau claire. Je n’aperçois de lui que l’arrière de son sac à dos et de ses longues jambes. Mais je sais son sourire qui m’a renversée dès la composition du groupe, ce matin même dans ce petit amas de vieux mazots où nous avions rendez-vous.

Mon regard passe de la crête dentelée qui déroule son granit à l’horizon à la musculature de ses fesses se contractant à chaque pas dans son short gris délavé. La marche me met dans un état d’automatisme du corps presque hypnotique, qui laisse tout loisir à mon esprit de voleter là où il le veut. Je me mets à l’imaginer cheminant nu devant moi et cette image parcourt mon échine de frissons.

Alors que le soleil est au zénith, nous faisons enfin une première halte dans une des dernières prairies herbeuses à cette altitude. Chacun déballe son repas, et les langues se délient tandis que les musculatures se détendent momentanément. Mon prédécesseur dans la randonnée se tient un peu en retrait, semblant prendre plaisir à observer le groupe. De face, je peux cette fois observer son visage, sa mâchoire bien dessinée, son léger sourire que des lèvres pleines rendent désarmant, et sous ses cheveux gris la profondeur de ses yeux. Nos regards se croisent et je détourne la tête, comme si en un instant il avait pu deviner mes longues minutes d’admiration de ses fesses.

Je m’oblige à regarder ailleurs, à donner de l’attention aux autres marcheurs autour de moi, à échanger quelques mots avec certains. Mais je sens entre lui et moi comme un fil invisible qui m’empêche d’être toute entière à cette diversion que je tente. Et très vite mon regard retombe dans le sien avec une intensité encore plus dense. Le fil se transforme en une sorte de canal d’esprit à esprit. Je sais désormais qu’il sait. A présent, c’est son regard à lui qui me détaille. Sous mon débardeur auréolé du sel de ma transpiration il observe mes seins aussi bien que si déjà il les touchait. Je les sens durcir et il ne manque rien de mes tétons qui désormais pointent durement sous le coton. Le reste du groupe qui toujours nous entoure a disparu de nos univers que seuls les fantasmes occupent désormais.

Bientôt, la halte prend fin et nous nous remettons en route, sans qu’un seul mot ait été échangé entre le géant et moi. Il reprend sa place devant moi. Mais je sens qu’à présent c’est pour moi qu’il foule les cailloux sur un sentier de plus en plus escarpé. A un moment donné, je le vois s’arrêter sur le bord du chemin, faisant mine d’éponger son front. De la main, il me fait alors signe de passer devant lui. Nos avant-bras se frôlent quand je le dépasse et ce contact des peaux produit comme une décharge érotique dans tout mon corps.

J’avance désormais devant lui et je sais qu’il me rend mon observation détaillée. Ses regards semblent me peloter les fesses et mes jambes en tremblent tellement qu’à plusieurs reprises je crains de ne pouvoir terminer la montée. L’écrin de nature met une touche finale à ce moment extasiant qui dure jusqu’à l’arrivée au sommet.

Alors que nous avons atteint le refuge où nous passerons la nuit, son grand corps frôle à nouveau le mien. Il se penche vers mon oreille et y glisse trois mots de sa voix que j’entends pour la première fois : « Je t’aime ». Nul besoin d’analyser sa déclaration à la lumière d’un quelconque pragmatisme. Il n’y avait rien d’autre à dire dans la beauté pure de cet instant. Nos muscles sont épuisés par l’effort et nos âmes ont atteint une forme de sacré dont je sais qu’il la perçoit autant que moi. Je ne réponds rien, mais il comprend pourtant qu’à cette minute moi aussi je l’aime.

Nous partageons de sublimes crosets trop cuits nappés d’un gruyère lui véritablement délicieux avec le reste du groupe. Nous échangeons quelques phrases anodines avec nos comparses mais ce sont surtout nos pensées qui tissent entre elles un dialogue étroit. J’observe la trace grenat que le gamay a laissée sur sa lèvre inférieure et que ma langue voudrait effacer, la forme de ses doigts agrippant le manche de sa cuillère et que je voudrais sentir courir entre mes cuisses courbaturées, le plat de son ventre qu’on devine sous le drapeau finlandais de son t-shirt.

Dans l’odeur chaude d’un dernier café, nous prenons tous le chemin des dortoirs. Je brosse mes dents avec une fébrilité difficile à cacher, comme si cette fraicheur mentholée était à même de refroidir les ardeurs que la journée a engendrées dans mon ventre. L’odeur familière de mon sac de couchage échoue également à m’apaiser. Je sais déjà que, malgré les huit heures de marche, le sommeil se refusera à moi.

Un rai de lumière sous la porte met le feu aux poudres. Cela ne peut pas être quelqu’un d’autre que lui. Je me lève dans cette certitude absolue et pousse doucement le panneau de bois rugueux de la porte de mon dortoir. Il est là, son grand corps semblant occuper tout le couloir distribuant les quatre chambres. Son sourire est cette fois aussi large que ses lèvres ne le permettent. Nous unissons enfin nos êtres dans une longue étreinte immobile, tout juste bercée de nos respirations exacerbées.

Mains définitivement liées, nous descendons dans l’obscurité du réfectoire désert. Il s’assoit sur la table où nous mangions il y a peu et je viens m’arrimer à lui, entre ses cuisses qui à leur tour m’enlacent. Dans un silence nécessaire à la poursuite de notre entreprise, nos langues s’épousent avec la même fougue que nous avons mis à avaler les dénivelés de la journée. Je lui offre un « je t’aime » chuchoté d’un souffle dans son oreille, qui part ensuite dessiner des frissons sur toute sa peau.

Nos paumes courent sur le torse de l’autre, creusent dans nos dos des sillons de désir, inoculent à nos bas-ventres de puissantes pulsions fusionnelles. La salle à manger devient trop petite pour accueillir la folie de nos envies. Nous rejoignons le grand air et son écrin de nuit. Un peu à l’écart du refuge, un petit banc de pierre nous offre une hospitalité que nous envahissons de nos respirations haletantes. En quelques instants frénétiques, nous nous retrouvons vêtus de nos seuls désirs endiablés.

S’appartenir tout entier est alors la seule réalité possible. Il bande avec cette même opiniâtreté qu’il met à la marche. Il m’offre son corps d’une manière aussi totale qu’il ne l’a abandonné tout ce jour à la grandeur de la montagne. En cet instant nous ne sommes pas au monde. C’est notre étreinte qui est le monde. Il est aussi dur que mon ventre est chaud et humide pour l’accueillir. Chaque millimètre de cette première pénétration crépite comme un feu d’artifice de sensations dont je dois retenir l’écho afin de ne pas réveiller la maisonnée toute proche.

Son sexe caresse le mien de mouvements ondulatoires d’une tendresse infinie, interrompus de temps en temps par des coups de semonce sauvages nourris à la rage du désir. Un orgasme partagé termine ce long moment de fusion exceptionnelle. Nos muscles malmenés par la randonnée y trouvent le relâchement total qu’ils réclamaient. Des mots d’amour en pagaille glissent entre nos corps encore humides de leur sublime amalgame.

Les kilomètres du lendemain seront durs à avaler. Cependant, ce que nos jambes perdront en forces retrouvées dans un sommeil réparateur, nous le regagnerons dans cette béatitude propre à faire flotter les corps au matin d’une nuit trop courte mais si remplie d’amour. Et la magie de notre rencontre donnera longtemps aux randonnées montagnardes un puissant goût de sexes partagés…

2 avis pour Randonnée

  1. GeoD

    Quel beau voyage…

  2. Candida Galardi

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