Jazz

Durée: 5 min 23 sec
© Dans tous les sens
Lien musical: Evaristo Pérez – Cajon-jazz

Catégorie :

Jazz

 


 

Le son traverse à peine la double porte en verre qui donne sur la rue. Quand on y pose la main pour la pousser, on sent toutefois très nettement les vibrations des basses l’agiter de légers tremblements rythmés.

A peine le battant poussé, je suis immédiatement envahie autant par le son que par la chaleur, qui tous deux cherchent à s’échapper de la minuscule cave bondée reconvertie en boîte de jazz. Le climat tropical des lieux participe de sa sensualité.

Quand on y arrive tôt, on a tout loisir de choisir sa place sur les quelques chaises dépareillées disposées autour d’une dizaine de petites tables rondes du même acabit. Quand on arrive tard, il ne reste que la possibilité de se faufiler dans la moiteur compacte de la foule.

Ce soir-là, j’arrive tard. Un trio autrichien est déjà à l’œuvre depuis un moment. Sa musique semble avoir rapidement conquis un public attentif, suspendu aux notes enjôleuses des trois musiciens. Un contrebassiste à la chevelure rare mais folle remplit parfaitement sa mission de maintien du tempo, tenant les auditeurs en haleine tout en préservant un climat d’impassibilité. Le saxophoniste, chemise débraillée et regard dans un  autre  monde, déroule des lignes mélodiques voluptueuses et souples. Le son qui les nourrit est aussi épais et chaud que la voix d’une de ces grosses divas noires que le jazz connait en nombre. Le dernier de ces trois virtuoses détache sur son clavier des notes à la vitesse diabolique. Tantôt élément de percussion tantôt support à la plus grande douceur, il utilise avec brio toutes les possibilités offertes par son piano.

Je me laisse en un instant capturer par la magie de cette musique ensorcelante. Mon âme est aspirée toute entière dans la rythmique sourde et suave des morceaux qui se succèdent. C’est alors que je sens, plus que je ne vois, un homme à côté de moi…ou plutôt contre moi, tel que l’exiguïté du lieu et la foule massée l’exigent. La chaleur de son bras contre le mien se distingue nettement malgré la température tropicale de cette cave.

A aucun moment je ne me tourne vers lui. A aucun moment il ne se tourne vers moi. Seuls quelques centimètres de nos peaux communiquent intensément dans le contact de mon épaule contre son bras. Une émotion nouvelle vient se rajouter à cette scène musicale dans laquelle j’étais toute entière plongée. La placidité contemplative se pique de petites touches sensuelles, qui rapidement deviennent même érotiques.

Mes pensées et les siennes semblent se matérialiser pour devenir des fantasmes communs. Sans mot dire, sa main gauche enserre chaudement ma droite. Nos épidermes sont cette fois en contact direct, décuplant du même coup notre fabrique de rêves collectifs.

Un signal imperceptible de l’extérieur, mais à la clarté sans appel pour nous, initie le mouvement toujours muet de nos corps vers la rue. Nous extrayant de la touffeur de la boîte de jazz, nous nous précipitons dans le refuge qu’un mur de pierre offre à notre étreinte nocturne. Alternativement, au gré de nos pulsions, nos dos viennent y quérir une fraîcheur délicieuse. La chaleur est en nous, en nos langues qui s’apprivoisent…et le contact de la façade  nous aiguillonne de zébrures glaciales.

Nul besoin d’échanger nos prénoms car déjà nos mains se connaissent. Son odeur est immédiatement familière à mon nez. Mes doigts retrouvent le piquant de ses joues comme si elles n’avait connu que celui-là. Son érection se fait claire contre mon ventre. Notre pan de maison est toutefois un lieu trop passant pour la suite des opérations. Seul un porche parisien entouré de cadreurs et autre cameramen permet ce genre de galipettes urbaines…

Nous nous replions vers les rives du lac voisines dont plusieurs bosquets pourraient sans doute témoigner de bien des gémissements. J’entends pour la première fois sa voix, qui me fait grâce de ces paroles banales qui sont souvent les premières échangées pour m’ordonner doucement d’enlever mon pantalon. Il en fait de même, nos mains se quittant alors un instant pour se retrouver plus proches et plus précises dans leurs caresses l’instant d’après.

Je saisis en souriant son sexe tendu vers moi. Il me rend mon sourire en glissant fermement sa main entre mes jambes. Une petite heure nous sépare de notre premier contact de bras à épaule et déjà il est en moi. Le rythme de nos corps dans cette sexuelle accolade succède alors brillement à la sensualité luxurieuse du jazz que nous venons de quitter…

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