Description
Behind the closed door
D’après une musique éponyme de Monique Crettol
« Jamais je n’oserai… » se disait l’homme
Le scénario avait pourtant été élaboré tant de fois dans sa tête. Tant de fois il s’était senti durcir à la seule évocation de la lourde clé tournant dans la serrure.
Le marchand lui avait assuré que trouver ce genre de système de fermeture sur un confessionnal était très rare. La plupart des isoloirs étaient occultés par de simples tentures. Les battants sculptés de celui-ci l’avaient d’abord séduit, ainsi que le caractère iconoclaste de posséder un tel objet chez soi. Puis le bruit de la clé entrant dans cette solide serrure, le cylindre qui grinçait, le pêne qui craquait….
Il l’avait fait ramener, comme en cachette, sous une couverture de l’armée, dans le vieux van Citroën du brocanteur. Depuis, la « cachette à péchés » trônait dans une salon que peu d’autres personnes que lui pénétraient. Lorsqu’il recevait de la visite, il recouvrait le mobilier d’église d’un couvre-lit en chenille beigeasse.
Le caractère interdit de posséder un tel objet chez soi lui procurait une légère excitation, qui avait largement augmenté encore lorsque Lara l’avait découvert la première fois, et l’avait aussitôt inclus dans leur histoire.
« Jamais je n’oserai… »
Il avait conversé quelques temps avec cette femme sur un site de rencontres. Elle posait peu de questions. Ses lèvres étaient charnues et maquillées d’un rose provoquant.
Ils avaient fini par se rencontrer. Dans un café. Les lèvres de Lara étaient encore plus jolies en vrai, et des près. Elles brillaient comme une pomme d’amour. Il ne pouvait en détacher les yeux tandis qu’elle lui parlait d’elle, de sa passion pour les vieilleries. Une chineuse émérite.
Un jeudi, il avait finalement posé ses lèvres sur celles si brillantes de Lara. Elles sentaient la cerise. Enfin… cet arôme artificiel qui tente de copier la cerise. Mais leur douceur n’était pas feinte. Lara n’était toutefois pas que douce. Il le savait depuis le début. Son annonce disait clairement ses pratiques sexuelles. « Entraves de rêves » était son accroche. Et sa bouche luisante était bâillonnée sur sa troisième photo. Elle aimait la contrainte. Elle aimait surtout contraindre à ce qu’on la contraigne.
« Jamais je n’oserai… »
Après le deuxième baiser à la cerise, elle lui avait proposé de l’accompagner aux Puces du Canal. Il avait accepté, ravi de la suivre dans les méandres de ce paradis du seconde main.
C’est lors de leur passage dans le secteur des Traboules, qu’il avait repéré la chose. Il avait fait mine de rien et était revenu le samedi suivant, seul. La somme en liquide était préparée dans sa poche et il serrait les billets dans sa main droite tout en remontant les allées le menant à son confessionnal. Ses paumes étaient humides…
« Jamais je n’oserai… »
Avec ses petits fantasmes de claques sur le postérieur, l’homme s’était senti comme un bleu face à Lara et son imagination délurée. Mais peu à peu, elle avait su le mettre à l’aise, porter plus loin les frontières de sa pudeur. Et du même coup étendre les siennes. Leur complicité grandissante leur permettait de fleurir leur intimité d’expériences nouvelles.
Le confessionnal en faisait partie. Ce jour-là il trônait dans le salon, débarrassé de son chaste couvre-lit.
« Jamais je n’oserai… »
A présent Lara est d’un côté du grillage, dans l’isoloir de droite. Lui se trouve dans la loge centrale, derrière le lourd rideau de serge verte qui a encore des relents d’encens. Il a revêtu une robe de bure resserrée d’une cordelette de chanvre. Il sait que Lara attend ses ordres. Elle lui en a suggéré quelques-uns. Et lui a intimé d’en trouver d’autres. Un tas d’autres….
« Jamais je n’oserai… »
D’une voix d’abord peu assurée, l’homme lui ordonne de ses déshabiller entièrement. Il l’entend se contorsionner, puis la robe tombe au sol. Elle doit ensuite se rassoir sur le petit placet de bois et l’attendre.
Le bruit dans la serrure de sa cabine la fait sursauter tandis que l’homme retient un râle d’excitation. Il entre et referme derrière lui dans un deuxième cliquetis bruyant. Il défait le nœud de la cordelette qui lui ceint la taille, la passe autour des fins poignets de Lara pour l’attacher ainsi les bras en l’air en la nouant à travers le grillage. Puis il promène longuement le métal froid de la clé sur le corps nu de celle qui le soumet à la soumettre. Il exécute les demandes de Lara et sent peu à peu son imagination se décupler dans les quelques centimètres carrés du confessionnal.
Il a osé…et c’est bien là qu’on fesse…
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