Chasse aux trésors

Durée: 7 min 24 sec
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Chasse aux trésors


J’étais rentré tôt du travail ce soir-là. Justin ne m’en faisait pas le reproche, mais je savais que mon engagement professionnel lui pesait parfois. Vacances scolaires obligent, Tom et Martin étaient chez mes parents.

Je fus accueillie par un silence que la naissance des jumeaux avait rendu plutôt rare, et d’autant plus précieux. L’ordre qui persistait dans l’appartement en leur absence était lui aussi un joli cadeau de bienvenue après une journée certes plus courte, mais pas moins intense.

Je me servais un grand verre d’eau fraiche quand je remarquai dans le reflet de la vitre devant moi un rectangle jaune que je ne parvins pas à identifier. Me retournant, je vis que c’était un carton collé sur la porte de notre chambre. Je m’approchai et mon visage se fendit d’un large sourire.

Justin n’avait jamais su dessiner. Il le savait. Et nous en avions tant de fois ri avec tendresse, tandis que mon job d’architecte donnait à mes coups de crayon une précision chirurgicale. Sur le grand papier, il avait dessiné ce que je reconnus cependant plutôt facilement : un lave-linge. L’entourage de points d’exclamation et de petits cœurs me fit hésiter entre un de mes oublis ménagers et une déclaration farfelue comme il en avait l’habitude. C’est alors que je remarquai le mot « Viens », écrit tout petit au centre du hublot.

Je pris donc le chemin de la salle de bains, et ouvris la porte de la machine en question. S’y trouvait un petit tas de tissu couleur vert d’eau que je reconnus immédiatement, avec une certaine émotion. Lors du premier anniversaire de notre rencontre, je portais ce négligé de soie, qu’il n’avait pas du tout négligé d’ailleurs. Depuis, la tenue avait peuplé quelques-unes de nos nuits significatives. Je la sortis du bout des doigts. Une cigarette s’en échappa.

Justin savait donc que je savais. Il avait décidé de cesser de fumer au début de ma grossesse, mais parfois il devait trouver quelques instants de souvenirs un peu coupables de sa vie d’avant en crapotant en cachette. Et le paquet était caché derrière le pied du lit. De son côté. J’étais tombé dessus un jour par hasard, en cherchant une lentille de contact. Je n’avais rien dit. Et même trouvé ça plutôt mignon. Je le revoyais, encore presqu’adolescent, se donner des airs désinvoltes de faux dur en fumant avec ses potes appuyé contre le mur de la Maison de Quartier.  Ses lèvres rondes entourant le petit tube incandescent. Que mes lèvres à moi avaient un jour remplacé.

Il me fallait donc désormais prendre le chemin de la chambre. Le paquet de cigarettes m’attendait bien là où je le pensais. Et il renfermait la suite de ce petit jeu de piste qui commençait à bien titiller ma curiosité. Apparemment point de Justin à l’horizon. Par contre il avait parfaitement orchestré mon retour à la maison. Le paquet contenait un petit cylindre de papier que je déroulai à la hâte. Une jolie photo noir et blanc de ses fesses apparut alors. Elégante, offrant artistiquement à ma vue le velouté de sa peau et l’arrondi musclé du bas de son dos. Je restai un moment à promener mes doigts sur la photo. Mon esprit joueur reprit le dessus et je me demandai alors quelle était la suite du jeu. L’indice semblait à présent moins évident.   

Son sac de sport en bas de l’armoire ne renfermait aucune piste supplémentaire, pas plus que son tiroir à boxers. Je commençais à m’impatienter quand mon téléphone émit le petit bip spécial  « message de mon amoureux ». Assurément un nouvel indice. « Là où elles se posent et que tu t’opposes ! » pus-je lire sur l’écran.

Les mots tournèrent un moment dans ma tête, avant que je ne me souvienne enfin de cette parodie de bras de fer qui avait vu nos mains se réunir pour la première fois. Nos coudes sur la table en pierre rugueuse et froide. La chaleur immédiate de nos paumes réunies. L’émotion qui troublait les regards. Parc des alouettes. C’était là.

Je remis à la hâte mon cardigan pour poursuivre le drôle de petit jeu auquel mon mari me conviait. Les quinze minutes qui me séparaient du parc et l’habituel trafic de fin de journée excitèrent mon impatience. J’avais tenté de l’appeler depuis la voiture. Bien évidement il n’avait pas répondu. Et tant mieux car finalement le jeu se suffisait à lui-même.

Je trouvai miraculeusement une place tout près du parc et repérai ensuite facilement la table et les bancs de granit, sur lesquels foin de fesses aimées. Je m’assis, de ce même côté qui avait été le mien autrefois, pour ne négliger aucun détail du délicieux flashback auquel j’étais conviée. Puis, je me mis à chercher la prochaine étape.

C’est alors que les deux mains de Justin attrapèrent fermement mes seins et que je sentis son torse se coller contre mon dos. Ses lèvres cavalèrent dans mon cou qu’il couvrit de baisers. Remontant mes mains le long de ses cuisses, je vins attraper la sublime partie de son anatomie qu’avait dévoilé le paquet de cigarettes.

Je lui tendis ma bouche, et nos langues se livrèrent à une bataille dont l’énergie n’avait par contre rien de parodique. Les années nous séparant du premier contact de nos peaux avaient tissé entre nous un solide lien sans atténuer l’ardeur de notre désir. Dans une chorégraphie qui ne devait rien au hasard, nous nous précipitâmes à l’abri des buissons alentours qui allaient nous servir d’alcôve de verdure autant que de caverne d’Ali Baba.

Nous fîmes sonner les pièces trébuchantes de nos vêtements qui volèrent au gré de notre empressement, nous promenâmes des rivières de caresses sur le corps de l’autre, nous bûmes notre amour à la coupe de la folle passion qui nous animait toujours.

Tout comme nos fesses, le trésor était découvert. Nous nous en délectâmes de longs instants, sans donner toutefois trop de coffre à nos ébats, pour en garder toute l’intimité buissonnière…

 

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