Corps fluides VIII

D’après l’œuvre éponyme de Nya Nyatollah
Durée: 4 min 43 sec
Peinture par @nyatollah
© Dans tous les sens

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Corps fluides VIII


Je plonge d’un coup au cœur de la foule dense qui danse. Il faisait chaud au bar. Mais cette chaleur était une plaisanterie en regard de celle des danseurs. Leurs corps ne semblent en faire qu’un seul, qui ondule lascivement au gré des titres qui défilent ce soir.

A les observer depuis mon tabouret, je n’aurais jamais cru pouvoir pénétrer leur entrelacs aussi aisément. Et pourtant, en me synchronisant dans l’instant à leur rythme collectif, je suis aussitôt des leurs. Sans violence. Sans chaos. Fluidement.

Les lasers zèbrent la foule qui m’accueille d’orangé, d’ocre et de fuchsia. Loin de nous aveugler, la vivacité des lumières tisse autour de nous un filet joyeux et souple, qui éclaire çà et là des visages inspirés. Je suis de ceux-là.

Je ne sais pas ce qui, de l’alcool, de la musique, de la chaleur ou de ces corps autour de moi m’enivre le plus. Mais je ne résiste pas à cette sensation suave et aspirante. Je me fonds avec bonheur dans ce flot qui me grise.

Le DJ est extraordinaire, qui nous anime de titre en titre avec cohérence et talent, ne brisant jamais la vague de son public. Par moment, comme des traits d’écume, jaillissent de la masse ondoyante des bras venant chatouiller les rais de lumière pour venir ensuite plonger à nouveau dans la chaleur.

La foule n’a ni race ni sexe. Elle est un tout harmonieux, un diamant dont chaque facette embellit le tout. Je m’ y retrouve en m’y perdant. Il fait sombre. Je ne distingue que des éclairs de peaux anonymes dans les flashs tournants des leds.

Je sens qu’on me frôle, qu’on me colle, qu’on me touche, qu’on m’effleure. A aucun moment qu’on ne me bouscule. Les sensations sont d’une douceur infinie. Presque le ventre d’une mère auquel je m’abandonne.

A un moment donné, je me retrouve durant de longues mesures dans un torse à torse intense. Nous sommes soudain des siamois musicaux, en parfaite connexion avec le beat dont les graves résonnent dans nos ventres soudés. Je sens sa bouche contre la mienne et je ne m’en étonne pas. Comme si ce baiser n’était que la conséquence logique de cette soirée hors du temps.
Deux mains me saisissent doucement par les épaules et me retournent pour venir me coller contre une autre personne. Et une autre bouche vient embuer la mienne. Ma raison semble à ce moment lâcher prise. Rêve éveillé ? Hallucination ? Délire ? Fantasme ? Je ne cherche pas de réponses tant la chose est agréable.

Ma bouche ne cherche pas même à se détacher de ce nouveau baiser, qui lui non plus n’interrompt pas la danse. Des mains, les miennes et d’autres, que je ne parviens ni à dénombrer ni à attribuer à qui que ce soit, se mettent alors à chorégraphier des caresses ensorcelantes qui m’emportent d’une volte-face vers un autre corps.

Je suis dans un état second. Mes hanches n’ont pas lâché le tempo mais le reste de mon corps a abandonné toute mesure. Seule la pulsation de la foule me soutient et m’échoue entre deux autres personnes encore, qui m’emprisonnent dans leur danse. Nous passons un moment à serpenter doucement les uns contre les autres avec un naturel jamais démenti.

Les stroboscopes me dévoilent dans un zest de bleu un nouveau sourire inconnu qui m’aspire à lui à pleines lèvres. La tête me tourne. Mais déjà deux autres mains surgies de la masse anonyme se campent sur mes hanches tandis qu’un bassin s’amarre à mes fesses. Mon cœur cogne fort dans ma poitrine.

A la faveur d’une subtile transition musicale, je crois reprendre un peu mes esprit quand une main encore inconnue s’insinue entre mes jambes pour mettre le feu à mon corps en pleine effervescence depuis de longues minutes. Mon souffle s’affole. Les doigts inconnus se font plus précis.

Je crois perdre pied. Je ne suis que frissons. Je sens mes jambes me lâcher. Mais la matrice en mouvement est toujours là et elle me soutient tandis que le cri d’un orgasme puissant vient se perdre dans la foule dense qui danse…toujours…

 

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