Effeuillage

Durée: 4 min 10 sec
© Dans tous les sens

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Effeuillage


Octobre était doux cette année-là. Le soleil jouait entre les feuillages qui s’ocraient, donnant aux alentours de notre maison des airs van goghiens.

Tu étais dehors dans ce pull vert tout doux qui doublait les caresses quand je te prenais dans mes bras. Nous aimions à vaquer tout deux aux travaux de jardinage. En même temps ensemble et indépendants. Des coups d’œil complices et fiers du labeur accompli s’échangeaient quand nous nous croisions. Un baiser parfois…

Cet après-midi-là , j’étais en train de rentrer du bois pour la cheminée qui allait devenir notre meilleure amie dans les mois à venir. Nous savions déjà les délices de se réconforter des frimas à la chaleur de l’autre et l’ombre des flammes qui dansaient sur nos corps nus. Mais avant les grands froids, nous adorions aussi tous les deux ce bonheur simple et enfantin de la marche craquante dans les feuilles mortes. Souffleuse à la main, tu en montais de grands tas aux tons de feu aux quatre coins de notre propriété.

J’avais ensuite tondu l’herbe, sans doute pour une des dernières fois de la saison. L’odeur en était plus humide que les mois précédents et la terre grasse collait sous nos pieds. De ton côté tu venais d’arracher les plans de tomates qui nous avait tant régalés il y a peu. Je me remémorais leur rouge s’engouffrant dans ta bouche gourmande, leur jus dégoulinant de tes lèvres. Tes mains étaient pleines de terre. Tu avais horreur des gants. En repoussant tes cheveux, tu t’étais balafré le front de brun.

J’aimais observer le dessin régulier formé par mes passages de tondeuse autour de la maison. Loin de posséder un gazon anglais, nous aimions cette verdure à demi-folle dont nous laissions ça et là de grandes bandes d’herbes hautes qui offraient refuges aux petits animaux.

Je venais de ranger tous les outils dans l’abri de jardin quand, sans que je ne t’entende arriver, tu vins te coller contre moi avec une force qui nous déséquilibra. Tanguant comme des pingouins ivres, nous nous retrouvâmes dans un tas de feuilles qui vola en éclat comme nos rires.

Nous y avions batifolé quelques instants comme des gosses. En te relevant, tu m’avais trouvé adorable avec mes boucles pleines de brindilles… Tu me les avais retiré une à une avec beaucoup de tendresse…

Et puis, il y avait eu ton cri. Quelque chose te grattait dans le dos. Tu avais retiré ton pull à la hâte et je t’avais débarrassée des feuilles qui elles aussi avaient sans doute eu envie de te caresser le dos. Ta peau était moite après tous ces efforts. Et ça m’avait bêtement ému.

Nos regards s’étaient croisés une fois encore, et, sur un fond de couleurs automnales, tout cela s’était embrasé. J’avais libéré tes seins de leur corolle de dentelle ; tu avais dénudé mon tronc pour te coller à moi. Nous nous étions contorsionnés pour dégager nos jambes et nos sexes de leurs fourreaux de jeans et de lingerie. Tous nos vêtements étaient venus rejoindre ce tas de feuilles que tu avais pris tant de soin à édifier et que nous avions mis tant de folie à faire voler en éclat ensuite.

Faisant mine de nous débarrasser l’un l’autre des restes de végétation, nous avions frotté nos corps nus de gestes vifs, qui peu à peu s’étaient mués en frôlements, pour peu à peu se transformer en prélude à un amour aussi vivant qu’autour de nous les feuilles étaient mortes…

 

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