Procédure d’usage

Procédure d'usage

Juste la procédure d’usage, les questions habituelles, posées cent fois, à cent autres personnes. Ces questions auxquelles on répond en les écoutant à moitié , sur ce même ton monocorde qui les a posées, en faisant généralement autre chose en même temps.

Procédure d’usage donc… « Bonjour Madame ». Déjà là, j’écoute avec une attention plus appuyée. « Pouvez-vous me donner votre numéro de client s’il vous plait ? ». Sa voix, son timbre, son débit me donnent envie de lui donner mon numéro de client, mais aussi mon numéro de téléphone, la main, un baiser, mon corps tout entier.

Je me reprends et lui fournis les chiffres et les tirets qui permettent d’accéder à la suite de la conversation. Je ne voudrais pour rien au monde qu’elle ne cesse. Durant quelques instants, durant lesquels sans doute son ordinateur travaille, dans mon esprit les idées tournent plus vite qu’avec le processeur le plus puissant. La voix de cet homme a, dès le premier son, emporté mon être vers des voyages involontaires et insoupçonnés.

Immédiatement je me fais une idée de lui, de la forme générale de son corps que j’imagine assis dans ce box impersonnel d’où il répond à mon appel. Je vois sa nuque qui dépasse de la chaise de bureau confortable, avec l’arceau de son micro qui barre sa chevelure courte et sombre. Il opine doucement à mes paroles. Ses épaules bougent peu, dégageant une impression de force tranquille.

« Vous êtes là Madame. Désolé pour l’attente. » Quelle attente ? Moi je t’attendrais des heures comme ça, à t’imaginer dans ton call center. Parle-moi, parle-moi encore. Fais-moi entendre ta façon de prononcer chaque son de la langue française, je veux découvrir chaque inflexion de ta voix.

Je lui explique le souci de connexion de ma box internet et à nouveau mon esprit s’emballe. Je le vois se lever vivement, enlever son casque et le jeter à la hâte sur sa place de travail. Il attrape un blouson sur son siège et quitte son poste à pas rapides. Il court presque.

Je l’entends alors répéter sa question. Oui oui je suis sûre que le deuxième voyant clignote. Mais déjà mes pensées repartent à leurs divagations. Il prend une moto. Envie d’être contre lui, l’enserrant entre mes cuisses, mon torse serré contre son dos. Il sent bon. Je suis sure qu’il sent bon.

« Notre technicien va passer dans ce cas-là. Quelles sont vos disponibilités ? » demande-t-il. Le trajet à moto a été rapide. C’est lui qui sonne à la porte. Je suis toujours disponible pour lui bien sûr. Il est tout ébouriffé en enlevant son casque. Je passe la main dans ses cheveux tandis qu’il m’arrache du sol en me prenant dans ses bras.

Nous confirmons donc le lundi quinze mai entre huit heures et douze heures. « Entre donc mon amour, mets-toi à l’aise. ». Nous voila sur le canapé. Tu sens bon. Je le savais. Je promène mes mains sur ton torse tandis que tu parcours mon dos avec volonté.

« Ai-je répondu à toutes vos questions ou y a-t-il encore quelque chose que je puisse faire pour vous ? ». Mais fais-moi tout ! Tout ce que tu veux. Tout ce que tu n’as jamais fait à personne. Prends-moi sauvagement sur le canapé, sur le lit, sur la table, de la cave au grenier. Fais moi l’amour pendant des jours. Tue-moi d’orgasmes. Imprime ta présence sur chaque centimètre de ma peau. Laisse-moi épuisée de plaisir au sortir de chaque nuit et à la naissance de chaque jour.

Non, merci, non c’est bon, je n’ai plus de question. Merci de votre amabilité…Embrasse-moi une dernière fois avant de partir. Laisse-moi le sucre de tes lèvres.

Il raccroche. Sa voix n’est déjà plus qu’on souvenir qui s’estompe trop vite. Je reste pantelante, mon téléphone dans la main, inutile à présent.

C’était juste la procédure…