Quatre mains

Durée: 5 min 33 sec
© Dans tous les sens
Lien musical: Lubiana « Diarabi »

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Quatre mains


 

Eva s’allonge sur le ventre, les bras en croix. Elle sent sa peau se coller contre le matelas par endroits. La table est chaude et le contact immédiatement agréable. Elle est presque nue mais la pénombre l’embrasse et la protège. Il flotte dans l’air une odeur d’argan qui participe de la chaleur du lieu. La musique discrète du couloir semble glisser quelques notes douces sous la porte qui s’ouvre dans le souffle de son encadrement en caoutchouc.

Deux femmes entrent. Celle qui l’a accueillie à l’étage au-dessus. Et une autre. Brunes toutes les deux. Cheveux noirs retenus en chignon désinvolte par une pince de plastique. Une rose et une noire. Chacune des sabots et un tablier imperméables protégeant leur souple tenue crème. Mais la femme allongée ne sait rien de ces détails. Elle sent juste ces deux présences qui s’activent souplement autour d’elle.

« Ca va madame ? » s’entend-elle chuchoter à l’oreille. Eva répond d’un oui léger qui part se perdre dans le bruit de l’eau qui commence à couler sur elle en colliers de minuscules gouttelettes. La croix formée par son corps est surplombée de tubulures de la même forme percées de trous qui font pleuvoir une eau délicieusement chaude. Les milliers d’impacts de gouttes ravissent son épiderme qui glisse encore plus vers la détente absolue.

Ce seul ruissellement est déjà un bonheur en soi. Mais le bien-être double quand les quatre mains des femmes se posent sur elle. Moment suspendu d’immobilité durant laquelle leurs peaux à toutes trois semblent communiquer pour faire circuler un cercle de chaleur bienfaisante. L’eau dégringole sur ces mains qui font corps avec le sien. Elles sont immobiles mais l’énergie brulante qui s’en dégage est d’un mouvement d’une force rare.

La respiration d’Eva s’est coordonnée avec celles des deux femmes. Un tempo régulier et rassurant sur lequel bondissent en double croches continues et légères les gouttelettes d’eau. Et soudain les quatre paumes initient des cercles souples dans le dos d’Eva. Un « moto perpetuo » divin dans lequel elle ne peut rapidement plus savoir quelle main appartient à qui. Les impacts de l’eau et les glissés des masseuses s’épousent, dialoguent et lui tournent la tête.

Bientôt Eva se retrouve dans un état parallèle jusque-là inconnu pour elle. Entre la conscience et le rêve, son esprit est entrainé par la volupté du moment. Il en suit les volutes sensuelles inspirées par son corps qui, tout entier, s’abandonne à ces quatre mains huileuses. Bientôt Eva ne peut plus discerner ce qui appartient au réel de cette cabine de massage sous affusion de ce qui nait dans son esprit soumis à tant de plaisir.

Elle sent ou pense sentir les mains qui s’attardent de plus en plus bas sur ses hanches. Elle sent ses fesses entamer leur fameuse danse de l’excitation, ce mouvement qui semble plus contrôlé par son bassin que par sa conscience. Elle sent des doigts se glisser plus hardiment entre ses jambes. Elle serre ses cuisses…pour y enfermer ces mains délicieuses, ou juste pour en vérifier la réalité.

« Vous pouvez vous retourner Madame » chuchote à nouveau la voix à son oreille. En se mettant sur le dos, son visage est inondé de gouttelettes chaudes. Elle s’essuie du dos de la main et entraperçoit le visage mat des deux femmes penchées sur elle. Eva remonte un peu sur le matelas pour se placer à cet exact endroit sous les tubulures où l’eau viendra titiller ses tétons. Elle referme les yeux et une fois encore, fantasme ou réalité, elle sent les mains dévier peu à peu de leurs trajectoires habituelles.

Elle se cambre sous les caresses qui n’oublient aucune parcelle de sa peau. Son corps s’arque quand elle sent ou pense sentir les mains sur ses seins. Elle perd pied tandis que les quatre paumes impriment des vagues continues sur son corps entier. Elles la bercent, l’effleurent, la pétrissent, la cajolent, la palpent, l’apaisent et l’électrisent. La vapeur leur fait un cocon ouaté qui semble nimber leur trio de mystère humide et brûlant.

Eva se voit se redresser sur la table de massage , saisir doucement entre ses mains le visage de la femme aperçue à la réception tout à l’heure. Leurs lèvres se rapprochent et s’unissent, rapidement rejointes dans leurs embrassades par la troisième bouche. Le noir solide des tabliers et les froufrous de crème tombent mollement au sol. L’argan passe d’un corps à l’autre. Corps qui se mélangent pour s’unir et se séparent avant de s’unir encore dans une chorégraphie soyeuse.

Peut-être…

 

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