Yliès

Durée: 5 min 31 sec
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Description

Yliès

 

 

« C’est la dernière fois que je pars en vacances avec eux » s’était-elle juré. Mais deux semaines en Tunisie, cela ne se refusait pas.

Et pourtant en les voyant arriver à la table du petit-déjeuner, d’ apparente mauvaise humeur de bon matin, elle regrettait presque par moment de les avoir suivis dans cet hôtel dont le luxe ne semblait pas pouvoir contrecarrer les tensions de leur couple

Leurs faciès maussades dénotaient avec la végétation magnifique sur laquelle donnait la salle à manger ouverte sur l’extérieur et dans laquelle ils se trouvaient tous les trois.

Son père et sa mère s’assirent à la grande table pour huit où elle était jusqu’alors seule. Leur mauvaise humeur sembla d’ailleurs éloigner les autres vacanciers, car ils terminèrent leur petit déjeuner en famille.

Elle baissa la tête vers son assiette et se concentra sur l’orange vif de sa tranche de papaye et sur le ton plus tendre des cubes de mangue dont elle s’était servis à l’opulent buffet qui les accueillait à chaque repas de ce séjour all-inclusive.

Par moment, des oiseaux survolaient la salle à manger et mêlaient leurs chants aux conversations qui partout ailleurs allaient bon train.

À peine son thé vert avalé, elle quitta ses parents avec un rapide baiser sur leurs joues chagrines , avant de filer dans son bungalow qui jouxtait le leur qui lui permettait de s’extraire de leur bien trop régulière disputes.

La journée se passa, délectable, entre lecture au bord d’une des cinq piscines de l’immense parc arborisé et balade sur la plage, émaillée de quelques tentatives de drague qu’elle savait décourager d’un seul regard.

Avant le repas du soir, elle se dirigea vers le bar pour prendre un de ces succulents cocktails de fruits dont la carte regorgeait. Un animateur semblait mettre en place une activité sur la petite terrasse. Elle le regarda faire, intriguée, avant de comprendre qu’il s’agissait d’un classique loto. Quelques couples et familles occupaient à présent la jolie esplanade bordée de palmiers. Elle restait un peu en retrait, s’amusant à observer les uns et les autres, en attendant de retrouver comme prévu ses parents pour le dîner.

Yliès, le jeune homme au teint mat et au profond yeux ambrés, vêtu du t-shirt blanc qui signalait les membres du personnel de l’hôtel aux vacanciers, commença alors à tirer ses numéros dans un petit sachet de velours vert foncé. Il annonçait les chiffres en français, en anglais, en espagnol puis en arabe. Sa voix légèrement amplifiée par son micro-cravate parvenait aisément jusqu’à elle.

Son timbre était grave et doux. Son accent dans les trois langues que la jeune femme maîtrisait elle aussi était parfait. Ses intonations se faisaient plus gutturales. Les annonces faites en arabe attirèrent son attention et firent naître un léger trouble en elle.

Le léger trouble se transforma en totale absorption de ses gestes et de ses mots. Un dix appelant un ten, qu’un dies commença à émouvoir avant que le « ar » ne la retourne complètement. Et le manège recommença à chaque tirage d’une autre petite plaquette.

Ses yeux à elle ne quittait pas ses lèvres sombres à lui, qui articulaient des nombres comme s’il lui parlait d’amour. Les oreilles de la jeune femme reliaient son ventre à la voix de l’homme, de manière directe et troublante.

Elle ne bougeait pas, absorbée entièrement par son trouble. A la fin du loto, elle resta plantée sur son tabouret, toujours incapable de détacher son regard de l’animateur qui à présent rangeait son matériel.

Maintenant qu’il avait terminé sa prestation, il remarqua le regard insistant de cette jolie brune qu’il avait entraperçue posée au bar depuis un moment.

Il s’approcha. Elle lui glissa un bonsoir d’une voix aussi langoureuse que possible. Il lui rendit sa salutation d’un good evening accompagné d’un regard montrant que leurs intentions réciproques étaient limpide. Au buenas notches, ils étaient déjà main dans la main en direction de la plage.

Le bonsoir arabe donna le signal de départ de la longue nuit de deux corps dans le sable, se parlant un langage universel.

Ses parents dinèrent seuls…

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