Est pris qui croyait prendre…

Durée: 4 min 56″
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Est pris qui croyait prendre…


Les tambours ronronnaient doucement en moussant, chacun son rythme, dans une douce fusion de parfums de lessives. Autrefois, pendant un court laps de temps après l’inauguration, une légère musique d’ascenseur berçait le lieu. Mais la petite enceinte avait été arrachée et pas remplacée. Madame Pernet tricotait sur une chaise en plastique. Elle venait toujours le jeudi.  Natacha observait à travers la vitrine le ballet de la rue. Parfois, elles échangeaient quelques banalités. Aujourd’hui non.

 

Un homme, plutôt banal, fit tinter la clochette de l’entrée et déposa son gros sac de toile au sol, près de la machine numéro 4. Ce serait donc lui. Natacha ne choisissait jamais. C’était toujours comme cela devait être. C’était le moment ou jamais de faire diversion. Elle donna un grand coup du plat de la main sur le dessus de la 5 en pestant. Ça marchait toujours. Presque toujours tout du moins. L’homme tourna la tête vers elle, l’air interloqué. Elle prit sa mine désespérée et plongea ses yeux dans les siens d’un regard implorant. « Ma pièce est coincée » dit-elle. « Je l’ai introduite et puis plus rien ! ».

 

Il se pencha vers l’avaleuse de pièce et tenta plusieurs approches : redite de la petite tape sèche, coup d’œil coulé dans l’orifice, lecture du mode d’emploi. Le tout sans succès, malgré une bonne volonté évidente. Madame Pernet n’avait même pas levé les yeux de son ouvrage. Elle connaissait le petit manège de Natacha depuis le temps qu’elle y assistait discrètement.

 

Les tentatives de solutions effectuées par l’homme correspondirent exactement aux deux minutes qu’il fallut à Natacha pour arriver à ses fins. Elle glissa une main rapide dans le sac de toile, saisit le premier vêtement qui lui venait au bout des doigts et le fourra dans son dos, sous son tee-shirt, sans même être parvenu à l’identifier. Son propriétaire venait de se tourner vers elle pour lui faire part de son revers dans l’affaire de la pièce. Elle se confondit en remerciements, bredouillant que ce n’était pas grave, avant de récupérer son propre linge dans le tambour et filer sans demander son reste.

 

A peine eut-elle passé l’angle de la rue qu’elle sortit son larcin de sa cachette. Impossible d’attendre l’intimité de son appartement pour le humer, tant son impatience lui battait les tempes depuis tout à l’heure. C’était une chemise bleu ciel en coton. La prise idéale. De celles dans lesquelles Natacha pourrait plus tard se lover tout entière. Elle laissa un long moment son nez explorer tout le vêtement, qui lui offrit un joli bouquet de phéromones. Des frissons parcoururent ses jambes pour remonter jusqu’à son sexe. Un soupir profond lui fendit les lèvres.

 

De retour chez elle, Natacha se mit nue à la hâte et passa la chemise sur sa peau qui n’attendait que ça. Elle s’enfonça dans le canapé du salon pour permettre à ses mains de nourrir le désir fou qui lui brûlait l’entrejambe. Sentir ses seins sous le coton de cette chemise aux odeurs étrangères, en frotter les pans entre ses lèvres humides…l’orgasme lui vint, rapide et puissant. L’objet maraudé perdrait ensuite tout intérêt et finirait dans un carton au fond d’un placard. Mais pour un moment, quelle folle puissance érotique ça avait pris.

 

Quelques jeudis plus tard, Madame Pernet s’était plainte de l’humidité de cette fin d’été qui n’en était pas un. Puis, elle était retournée sur sa chaise pour reprendre son point mousse. Au tintement de la clochette elle avait levé le nez. Et elle avait souri.

 

Le propriétaire de la chemise bleu était de retour. Il s’arrêta à un mètre de la jeune femme avec dans la main droite un petit morceau de tissu vert d’eau qu’elle reconnut immédiatement. Il souriait lui aussi. Il fit glisser la culotte de Natacha contre son propre visage tout en passant la langue sur ses lèvres d’un air gourmand.

 

« Vous prenez la 4 ou la 5 aujourd’hui ? »….

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