Fesses-tival

Durée: 6 min 05″
Liens musicaux: Valentina Lisitsa « Moonlight » Sonata, III « Presto Agitato » de L.V. Beethoven; Fauré Quartett « Andante Cantabile op 47 » de R. Schumann; Georgy Tchaidze, et Nadezda Pisareva « Rhapsodie Espagnole for 4 hands » de M. Ravel
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Fesses-tival


 

Pour le moment j’attends. Le régisseur, un bel homme d’ailleurs avec des avant-bras très attirants, m’a placé dans un endroit plutôt appréciable. L’équipe technique est à l’œuvre pour que les temps entre les concerts soient les plus courts possible. J’aime cette ambiance, active mais feutrée. Les lumières sont tamisées, chacun parle plutôt à voix basse, une partie du public étant déjà dans la salle. Par moment, on entend un instrument ou l’autre s’accorder, se chauffer, une voix qui vocalise. Les préliminaires de l’art…

 

Je n’ai pas le programme en tête…mais j’aime tellement me laisser surprendre…et m’abandonner pleinement à ce qui vient. Alors j’observe, en toute sérénité et confiance, les derniers préparatifs pour mon entrée en scène.

 

Me voilà enfin sur le devant du plateau, à côté du piano. Nous sommes lui et moi au centre d’un halo de lumière chaude, jaune et violette. Je sens que ces teintes me mettent en valeur et je me dresse fièrement. La pianiste entre alors en scène. C’est une jeune japonaise, très menue. Ca va être un jeu d’enfants de la soutenir. Elle prend place devant le Kawai, et ses deux minuscules fesses semblent effleurer mon placet tant elle est légère. La puissance de son jeu tranche immédiatement avec la petitesse de sa personne. Je sens toute sa puissance s’activer. Elle joue le troisième mouvement de la sonate au Clair de lune. En entrée de jeu ! J’adore déjà son audace. Dès les premières envolées, je me régale de sentir son corps s’alléger vers la droite pour les aigus, puis s’ancrer à nouveau pour asséner les accords avec une force qui me fait trembler. Ses chevilles sont toutes aussi fines que le reste de sa silhouette. Je me délecte de leur blancheur jaillissant d’un lamé noir des plus élégants. Ses louboutins s’accordent parfaitement au vernis de mes propres pieds. Nous formons une belle équipe. Je frémis quand, avant de céder sa place à d’autres artistes, elle effleure l’arrondi de mon mécanisme de réglage de la hauteur. Le discret parfum de son entrejambe s’éloigne. Le public lui rend un bel hommage. Retour à la pénombre pour un petit moment, qui me permet de me remémorer ce concert avec une certaine mélancolie, bercé des notes de Ludwig et des fesses de Tamiko…

 

Et puis les pleins feux reviennent. Le piano a été légèrement décalé à jardin, en compagnie d’un autre tabouret. Me voici à présent trônant au milieu de deux banales chaises. Charmantes au demeurant. Mais banales. Les membres du prochain groupe arrivent. Ce sera Danili, violoncelliste ukrainien, dont je gouterai de l’assise. Sa carrure est robuste et tend sa chemise de manière très attractive. La pique de son instrument vient se planter entre ses jambes, et entre les miennes du même coup. Nous voila toutes les sept fermement prêtes à faire entendre les premières notes sublimement mélancoliques du quartet opus 47 de Robert Schumann. Je sens toute la passion du violoncelliste traverser son corps, en renvoyant pourtant tellement de douceur sous les crins de son archet. Le bois de son instrument diffuse de tendres vibrations qui m’émeuvent au plus haut point. Le violon, l’alto et le Kawai m’entourent eux aussi de leurs cordes vibrantes et chantantes.  Je ne donnerais ma place pour rien au monde. Le public a lui aussi apprécié, et les applaudissements sont aussi généreux que la musculature de Danili qui retourne en coulisse…Je jette un dernier coup d’œil au bas de ses reins….

 

Pour le concert suivant, on fera ça à plusieurs. Le joli régisseur fait amener un autre piano et deux autres tabourets encore. Nous voilà en quartet nous aussi. Je retrouve mon Kawai du premier concert, avec à mes côtés une magnifique banquette en acajou. Nous formons une très joli paire, tandis que quatre fesses s’installent pour une version en double quatre mains de la Rhapsodie espagnole de Ravel. Je me sens comme un fier taureau dans une arène. Les quatre pianistes manient les doubles croches comme des banderilles. Le pédalier se soulève dans des vagues de furie. Je sens la pression augmenter tout au long du morceau. Tout le bas du corps de mon musicien se bande pour faire monter toute l’énergie nécessaire dans ses doigts qui galopent sans répit sur le clavier. Sa cuisse droite frôle la gauche de l’autre pianiste. Je sens comme une décharge électrique entre eux. Ils ne cessent de jouer cependant que leurs corps semblent se hurler du désir. J’assiste à la scène avec délice, tandis que du côté de l’autre instrument, rien ne semble avoir été perçu. Je les imagine tous les quatre nus,  se ruant les uns sur les autres sur les pianos brillants comme des taureaux fous.

 

Les accords finaux résonnent. Les artistes sont transpirants, échevelés, repus de ce grand orgasme musical collectif. Les fessiers me quittent. Je les vois saluer tous les quatre, bras dessus, bras dessous. Ils se penchent en avant , les queues-de-pie s’écartent. C’est beau ces rondeurs qui me saluent, juste moi…Définitivement, j’adore la fesse, euh la fête,  de la musique..

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