Immobiles et pourtant…

Durée: 4 min 24″
Lien musical: Cigarettes After Sex « Sweet »
© Dans tous les sens

Catégorie :

 

Immobiles et pourtant…


Je ne sais pas depuis quand nous sommes comme ça. Une seconde ou une éternité. Cela importe peu. La beauté de l’instant n’est pas dans sa durée. Elle est dans cette plénitude qui pourrait permettre à la vie d’en rester là, tant elle nous comble.

Essayer de décrire une telle densité est par définition impossible, et pourtant je voudrais en faire le portrait. Pas pour le figer dans le cadre d’une galerie arrêtée. Mais pour en teinter l’essence de nos jours.

Les draps ont retrouvé leur fraicheur, même s’il subsiste autour de nous un léger halo tiède et doux. Nos grains de peau se chuchotent encore sans doute des mots tendres, entre mon dos et ton ventre. Ton étreinte est légère, mais rassurante. L’ergonomie du corps humain permet cet enchantement d’emboitement parfait. Immobiles et pourtant…

Pourtant le léger mouvement de nos respirations, de la vie qui nous traverse.  Immobiles et pourtant, tant de choses qui flottent en nous et autour de nous. Comme des fantômes des instants passés qui hantent encore notre peau à peau de leurs délices.

Greg Gonzalez glisse son « Sweet » d’une voix troublante, à travers l’enceinte posée près du lit. Tu avais ri, toi qui dois toujours tout savoir des artistes qui t’émeuvent, en lisant les mots de ce chanteur au timbre androgyne, qui décrivait sa musique comme romantique, brumeuse et doucement cochonne. Nous avions ri.

Parfois, d’un très léger mouvement de la tête ou du pied, tu te glisses dans le temps de la musique. Puis tout redevient immobile…et pourtant…

Odeurs de savon, saveurs des épidermes et goût des corps qui se sont aimés viennent composer une palette aux dégradés émouvants. Les parfums de l’instant habitent nos respirations paisibles de souvenirs récents, à forte valeur incitative.  Leur simple évocation met l’eau à la bouche, et pourrait presque générer quelques mouvements de bassin. Cependant l’immobilité demeure.

Nos yeux sont fermés. Et pourtant je pourrais dessiner la scène sans me tromper. Nos vêtements épars aux pieds du lit. Un oreiller par terre, repoussé durant l’étreinte. Les tasses sur la table basse et le dessin des gouttes de thé dans leur fond. Le reste de flan à la fleur d’oranger que nous avons partagé. Une seule cuillère. Un rai de soleil couchant sur tes fesses. Des livres partout autour de nous. Comme un rempart d’imagination et de savoirs, où réfugier nos sensibilités.

Immobiles et pourtant…tant de choses se passent dans ce temps suspendu. Qui, des souvenirs, du présent ou des envies, rallume doucement la mèche ?

D’abord un mouvement de bassin un peu plus perceptible. Avec lequel un autre mouvement de hanches entame le dialogue. « Running my fingers » nous souffle Greg.  Nos paumes viennent alors rependre leur chaleur sur toutes les parties de l’autre qu’on peut atteindre sans briser l’entêtant emboitement.

Nous oublions peu à peu le tempo lent de la musique, pour entrer dans la rythmique propre à nos corps qui réclament à grands cris la rupture totale de l’immobilité. Le second coussin vole au sol. Les draps plissent et se réchauffent. Le silence de la nuit désormais tombée est tout émaillé de soupirs et de « oui » qui viennent se perdre dans nos cadences retrouvées…

 

Avis

Il n’y a pas encore d’avis.

Soyez le premier à laisser votre avis sur “Immobiles et pourtant…”

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *