Premier soir

Durée: 5 min 58 sec
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Premier soir

 


 

Il fleure dans ses premiers mots un parfum d’idéal. Je ne me fais pourtant aucune illusion sur les paradis informatiques et encore moins sur ceux que font miroiter les sites dits de rencontre. J’y traîne mes mots depuis quelques jours, momentanément déçue de ma propre réalité. Je dois confesser éprouver également une certaine curiosité intellectuelle face à ce moyen inédit pour moi d’entrer en relation. Il y a dans l’observation de la manière que chacun a de se présenter et à se mettre en scène quelque chose de proprement fascinant.

Dans ces approches, je me confirme comme très attachée aux mots et à la capacité de mes correspondants à décoller rapidement du terre-à-terre. Il me faut impérativement de l’esprit, du deuxième degré. Alex en déborde dès les premières lignes échangées. Je n’ai rien contre le fait d’être direct, surtout via ce média que l’on sait peuplé de gens ayant principalement envie de tirer leur coup. Mais il faut savoir le faire avec intelligence et une touche d’humour aussi. Alex y excelle !

Passant rapidement sur les informations basiques incontournables, nous bâtissons en quelques instants une complicité intellectuelle fulgurante. Il se dit déçu de ses précédentes expériences amoureuses et désireux de folies sans lendemain promis. Je me dis sans attaches et curieuse. Ces prérequis nous conduisent, pendant de longues minutes, à un échange de mots qui fusent, d’éclats de rires en libertinages assumés. Un rapide échange de photos confirme un attrait déjà bien amorcé par les mots. Nous nous donnons alors un rendez-vous réel, dans l’heure.

Après une rapide douche, dans un état avancé de trépignement, je choisis à la hâte une tenue à la séduction éprouvée sans être tape-à-l’œil et file dans le bar à vin où nous avons convenu de nous retrouver.  J’arrive la première et m’installe au fond du bar, à une minuscule table, seule encore libre à cette heure bondée de l’apéro. Dans cette atmosphère bruyante et joyeuse, je trompe une attente qui s’avérera courte avec un verre de rouge et une planchette de pata negra. Il arrive peu après et, au premier coup d’œil, je sais déjà qu’il me plait autant en vrai que par cet esprit piquant dévoilé par ses mots.

Il traverse la foule compacte qui le sépare de ma place et je prends ces quelques secondes pour détailler sa stature bien proportionnée. Il parvient à ma hauteur. Je m’attends à ce qu’il s’asseye, me fasse une bise, et que nous poursuivions notre dialogue là où le virtuel l’avait laissé. Au lieu de ça, il se penche vers moi, glisse sa langue dans ma bouche et me caresse le dos de ses deux mains. Quand il s’écarte de moi après un très long baiser, il dit, volontairement fort : « Ah mon amour, tu m’as manqué ! Ta journée a été bonne ? ». J’entre bien sûr immédiatement dans son jeu, amusée et séduite. Au fil de la conversation, nous nous inventons une vie de jeune couple amoureux, chacun de nous deux y campant un protagoniste fait de vérités et d’imagination.

Nous n’avons pas même encore fini notre verre qu’il dit, toujours aussi fort : « Allons-y, je ne tiens plus, j’ai tellement envie de te faire l’amour ! ». Il paye nos consommations et nous quittons le bar, tendrement enlacés. Sitôt dans la rue, la position verticale permet à nos deux corps de se coller presqu’entièrement l’un à l’autre et à nos lèvres d’échanger un de ces baisers qu’on ne peut d’ores et déjà plus compter. Je reprends ma voiture et suis la sienne jusqu’à chez lui. Son appartement me plait autant que lui et participe de mon sentiment d’aise qui va grandissant depuis quelques heures à peine que nous sommes en contact. Sautant allégrement les étapes du « dernier verre » et du « Je te fais visiter ? », nous nous retrouvons rapidement nus sur le confortable canapé du salon. Nous ne faisons par contre pas l’impasse sur les préliminaires, qui ouvrent le bal d’une longue et chaude nuit. Alex me fait l’amour avec toute l’inventivité de son intelligence et l’endurance de son beau corps de sportif.

Je décide de rentrer dormir chez moi, sachant qu’une fin de nuit dans ses bras entamerait un début de processus d’attachement qui le ferait assurément fuir. Je ne veux pour rien au monde entacher ce scénario aux couleurs d’idéal, aussi bref devra-t-il hélas être.

Nous nous retrouverons quelques fois encore, épisodes toujours teintés de fantaisie et de cette même fougue, parfois crue mais toujours parfaitement assumée par nous deux. Alex reste cependant fidèle à ses envies de papillonner d’une histoire à une autre et qu’il m’a dès le début exposées. Je sais que je ne résisterai pas longtemps à ce concentré de mes desideratas. Sa belle gueule et sa tête bien pleine ne vont pas tarder à jouer du violon à mon petit cœur sensible. Je décide donc de faire l’amour avec lui une dernière fois…chant du cygne à l’intensité folle de ce que nous savons tous les deux être un adieu…

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