Xanthoxylum

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Description

Xanthoxylum

 

 

Bianca se souvenait très bien de l’ourlet de ses lèvres quand il avait prononcé xanthoxylum.

La visite organisée par le jardin botanique sur le thème de « Nature épicée » était déjà très alléchante sur la brochure publicitaire. Sa présence à lui l’avait rendu carrément relevée, piquante.

Elle l’écoutait attentivement bien sûr, comme le faisait tout le groupe de visiteurs réunis à cette occasion.

Elio avait une manière passionnée et passionnante de parler des essences qu’il faisait découvrir à son auditoire. Les noms latins sortaient de sa bouche comme une poésie au charme suranné.

Bianca l’écoutait bien sûr, mais son esprit allait de ses mots à son corps dans un va-et vient incessant et troublant. L’image et le texte se faisaient concurrence dans l’esprit de la jeune visiteuse.

La stature de leur guide lui avait immédiatement donné envie d’aller y trouver refuge. Ses longues jambes, ses fesses bien dessinées avaient fait courir la sève du désir dans ses artères.

Elio se souvenait très bien du regard gris qui avait court-circuité le sien lors de cette visite qu’il menait au botanique.

Le thème de « Nature épicée » qu’il avait trouvé comme fil rouge à une visite pourtant effectuée tant de fois lui avait donné un regain de motivation. Et la propriétaire du regard gris avait fait plus encore en ce sens.

Il l’observait à la dérobée bien sûr, restant attentif à tout son groupe de visiteurs, et cherchant à couvrir son manège de la plus grande discrétion.

Il déroulait ses commentaires habituels, jouissant de voir son public déguster le sel de ses textes, mais sa concentration volait sans cesse vers le corps de la femme, dont les formes s’harmonisaient si bien avec le cadre naturel où ils évoluaient.

Au sortir de la visite, ils avaient papoté encore un peu tous les deux , d’arbres et de nature. Humaine.

Tout étonné mais ravie, Elio le latin s’était laissé draguer par cet étrange petit bout de femme. Il avait aimé la douceur de ses yeux et de sa bouche, la volupté de son corps. Ni lui ni elle ne voulait mettre fin à l’instant. Pourtant les grilles du parc allaient fermer et ils finirent par se séparer comme à regret.

Bianca avait mémorisé le nom et le prénom qui figurait sur le badge : Elio di Sola. A peine rentrée chez elle, il lui fut aisé de le retrouver sur la toile et de lui envoyer un message. Subtil mais sans équivoque. Il y avait répondu le lendemain. Tout aussi finement. Et sans plus d’équivoque.

Après quelques échanges écrits, qui confirmèrent une complicité d’esprit très agréable, ils décidèrent de se revoir pour une promenade en bord de rivière. La nature les avait fait se rencontrer. C’est tout naturellement que ce cadre s’était imposé pour leur premier vrai rendez-vous. Il était passé la chercher chez elle. Et immédiatement leurs corps s’étaient reconnus , reconnectés spontanément à distance.

Mais leur éducation et la retenue leur avaient fait respecter les conventions et ils étaient partis en balade à une distance respectable l’un de l’autre. Entre eux se tissait pourtant peu à peu cette énergie invisible à l’œil nu mais si palpable à l’âme ouverte.

Autour d’eux, la nature d’avril se parait de tous ses tons de vert, mouchetés ça et là de quelques arbres en fleurs. La rivière non loin berçait l’air de sa musique ad libitum. Leur conversation était tout aussi fluide. Avec des moments de silence qui n’étaient pas des vides, mais plutôt des respirations, des pleins de ce qui naissait entre eux.

Ils finirent par s’asseoir au bord de l’eau, gardant toujours un peu de distance entre eux. Elio raconta un peu sa vie. Bianca en fit de même. Chacun écoutant et construisant peu à peu à l’intérieur de lui une image de l’autre.

Au moment de remonter la berge, vers cet instant où la promenade allait prendre fin, leurs mains se frôlèrent, sans toutefois oser donner libre cours à l’ envie qu’elles avaient de s’attacher l’une à l’autre.

La fraîcheur de cette fin de journée printanière les poussa devant la cheminée du salon de Bianca. Elle fit du thé. Il fit du feu. Puis leurs corps se posèrent sur la méridienne devant l’âtre. Et se reposèrent l’un contre l’autre de ces deux vies que les derniers mois n’avaient pas épargné de souci. Il y avait dans ce silence des voix et des gestes une zone neutre mais chaude dont ils avaient grand besoin tous les deux.

Le feu dansait dans le foyer, seul élément mobile de la scène. Elio et Bianca étaient lovés l’un contre l’autre. Immobiles. Comme méditant la plénitude que ce contact leur amenait. Immobiles. Comme si bouger avait été prendre le risque de briser la pureté du moment présent que la lumière, la chaleur et la musique rapprochaient de la perfection.

Puis, il fut l’heure à laquelle Elio jugeait raisonnable de s’en aller. Bianca le raccompagna jusqu’à la porte d’entrée, qui les vit alors totalement incapables de se séparer. Cette dernière fut refermée à clé sur la suite des événements.

Le couple prit le chemin de la chambre qui les accueillit dans des harmonies de vert rappelant leur promenade d’il y a peu. Magie technologique des ondes, la musique les avait suivis du salon à la chambre. Celle-ci donna le ton et le rythme à la découverte de leurs deux corps qui retrouvèrent rapidement leur état le plus simple et naturel de nudité. Leurs épidermes entiers se touchèrent pour la première fois et pourtant tout était déjà aussi simple que s’ils se connaissaient par cœur. Tous les réglages étaient au vert. Force, intensité, douceur, tempo. Tout allait de soi.

Comme la rivière avait guidé leurs pas, les musiques qu’ils se faisaient découvrir l’un à l’autre guidaient à présent leurs corps, main dans la main avec leurs intuitions qui avaient fini par prendre le dessus.

Ils ne se départaient pas de leur naturel jusque dans l’amour. Leurs gestes étaient comme aussi immuables que la marche du monde. Rien n’était pensé. Tout était senti, ressenti. Et leurs sens se couplaient à l’unisson.

Quand enfin son sexe à lui entre dans son sexe à elle, ce fut comme un retour à leurs origines humaines, comme un retour chez soi. Un mélange pur et simple de profondeur et d’animalité. Deux morceaux d’univers qui coulissaient, se frottaient, se câlinaient, se quittaient un instant pour mieux se retrouver l’instant d’après.

A ce moment-là, Bianca et Elio étaient à eux deux la définition du mot union.

Leur tempo commun se fit soudain tempétueux, pour les mener sur la rive du plaisir qui libère et les y laisser moites et béats.

Plus tard dans la soirée, Elio passa la porte après avoir embrassé Bianca avec une douceur désarmante. Pour ne plus jamais y revenir.

Parfois la plénitude effraie les humains….

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